ADAM
BOGEY
“LE CIEL, CETTE CHOSE ÉGALITAIRE”
Adam Bogey : J’ai eu très rapidement un sentiment de désœuvrement. Un sentiment qui s’est exprimé de multiples façons. Étudiant, j’ai voulu déconstruire toute la notion d’œuvre. Arrêter même de faire de l’art. Puis, je suis revenu à la peinture en découvrant mieux mes racines mexicaines et la culture de ce pays.
Je commençais à me tenir hors de l’idée d’avant ou d’arrière-garde. Et j’ai réfléchi à comment passer au mieux ce temps bref que j’avais devant moi. Je voulais faire des choses simples, quelque part au cœur de la vie, et non une activité qui se place au-dessus des autres.
Je voulais une pratique sans contrainte d’argent, sans contrainte de place, sans impact sur l’environnement, qui n’embêterait personne. Je voulais remplir mes heures désœuvrées à une action manuelle douce, laisser à la fois la main et l’esprit divaguer. Je voulais un sujet simple et intemporel. Un sujet qui avoue à la fois mon enthousiasme pour le mouvement perpétuel des choses, mais qui révèle aussi notre impuissance face aux mystères du monde et à tous ces possibles.
Je voulais que ma mère et un critique d’art puissent appréhender ma peinture, sans rien attendre d’eux en retour.
Alors ce fut le ciel. Cette chose égalitaire que nous pouvons tous contempler en levant la tête, cette chose sans cesse en mouvement, absorbant les rêves de toutes les époques, mais subissant l’hystérie de la nôtre, me paraît, comme tant d’autres avant moi, un idéal à peindre. Comme tout le monde, finalement, je peins la matière, la lumière et le temps. Il n’est peut-être plus question de peindre le nouveau, mais de peindre, d’autant plus aujourd’hui, ce qui ne sera jamais assez dit : l’étrangeté.
Extrait interview Adam Bogey / herman de vries
par Sandra Barré
artpress revue, octobre 2020