RENDEMENT: HUGO CAPRON

Overview

La Galerie Pauline Pavec a le plaisir de présenter « Rendement », la première exposition personnelle d’Hugo Capron dans son espace du Nord Marais. Remarqué pour son fameux protocole élaboré en 2017 et dont le principe consistait à vider un pot de peinture industrielle sur une toile de lin dont la surface correspondait au rendement en mètres carrés indiqué sur la notice d’utilisation du pot, l’artiste propose ici une adaptation de ce principe appliqué à un ensemble de huit tableaux aux dimensions variables et spécialement conçus pour cette exposition.

Un unique pot de peinture en bâtiment de couleur blanche d’un litre permettant de couvrir douze mètres carrés a ainsi été déversé sur cette série de huit tableaux allant de quarante centimètres à deux mètres quarante de haut et comptabilisant la surface requise de douze mètres carrés. L’artiste s’est donné pour objectif d’utiliser toute la peinture disponible et de l’appliquer rigoureusement sur les toiles, mais le lin ne fait pas son affaire car ses propriétés absorbantes engloutissent la matière en son sein et la couleur blanche et pure, au lieu de recouvrir entièrement le tout, s’étiole et s’oublie sur le support. La série se présente sous la forme d’un contenu propositionnel qui ne peut s’activer que dans un geste opéral. Capron exécute son art par des coups de pinceau purgatoires appliqués horizontalement du haut vers le bas. Les traits blancs un peu âcres strient la surface et composent une écriture fragmentaire dont chaque toile est le singulier dépositaire ; et sur chacune il refait, récapitule le geste primaire de l’artiste. L’épuisement des possibles se découvre au terme d’un parcours ponctué de toiles de plus en plus vides. L’une, dans une apothéose éliminatoire, n’est parsemée que de quelques macules indigentes perdues sur la surface brune et texturée du lin.

Opérant un retour aux données fondamentales de la peinture en limitant son travail à la triade créatrice constituée par la toile, la peinture et le pinceau, l’artiste procède conjointement à une neutralisation de la couleur et à une réduction de son vocabulaire : chaque touche élémentaire et monochromatique, dont la densité est amplifiée par cette exigence du minimum, est apposée nécessairement sur la toile en une unique couche avec un seul pinceau.

Capron questionne depuis toujours le geste artistique dans ses limites en cherchant à l’extrême à exploiter les possibilités d’une peinture, avec ses mains, ses matériaux, ses outils, dans une quête dérisoire du maximum et de l’épuisement, ce que vient rappeler ironiquement le titre de la série ici présentée : « Rendement ». C’est le rendement efficient de la peinture à appliquer qu’Hugo Capron énonce, mais c’est aussi le rendement productif de l’artiste-peintre dont notre époque contemporaine a fatalement flanqué le geste artistique.

Dans ses protocoles précédents pour toile unique, l’artiste déversait le contenu du pot de manière impulsive et rapide et détruisait la toile s’il ne jugeait pas celle-ci satisfaisante. Pour cette exposition, l’échelle et l’envergure du protocole ont modifié sa méthode de travail car le nombre de toiles accroît l’erreur et l’occasion d’échouer. Pierre d’achoppement de cette nouvelle clause adaptative, les huit surfaces à remplir ont nécessité que l’artiste passe d’un format à un autre de manière progressive et méditée, car si l’une d’elles était venue à lui déplaire ou ne s’intégrait pas dans l’ensemble, il aurait été obligé de les détruire toutes afin de conserver l’exigence de la clause. Tout en traçant leurs sillons à travers les surfaces texturées des toiles de lin, les semis de peinture, dans une dialectique de singularité et de cohésion, génèrent une lecture qui oscille entre le plein et le vide, entre le positif et le négatif. Les coups de pinceau d’Hugo Capron fracturent et dissolvent la cohésion de la planéité du tableau et brouillent la démarcation perceptive entre le fond et la forme, d’autant plus que désormais, ses toiles ne sont plus ceintes par un liseré de peinture comme l’étaient ses précédentes mais sont réalisées de telle sorte que la touche se prolonge en continuum au-delà des bords du tableau. En cherchant à faire pénétrer le pigment sur la toile sans faire appel à un quelconque principe constructif ou structurant, Hugo Capron compose par soustraction car, précise-t il, « le manque crée la composition, il crée le tableau par le vide ». C’est ainsi que l’artiste conçoit, dans ce jeu dialectique instable, le plan pictural comme un champ libre non structuré ouvert à l’altérité, à l’arbitraire et à l’aléatoire du coup de pinceau. 

Les éclats de peinture parcourant la toile esquissent un paysage, évoquent la surface lumineuse d’une étendue d’eau, le vent bruissant dans le feuillage ou les traces feutrées de la neige évanescente, incitant la participation tactile et performative du regardeur. La touche vibrante d’obédience néo-impressionniste et la sensation de diffraction de la lumière due au contraste blanc/brun donnent ainsi l’impression d’une conception picturale indexicale où reflets, miroitements, ombres et vibrations semblent issus de notre environnement visuel. Capron livre ainsi une articulation originale : l’application logique et systématique du protocole a pour résultat la révélation d’un paysage informel, gestuel et abstrait.

Maître de l’ambiguïté, Hugo Capron se joue des catégories classificatoires. Deux pensées de la peinture sont ainsi convoquées par l’artiste qui se plaît joyeusement à confondre et confronter les deux images antagonistes que l’on se fait généralement du peintre, celle de l’ouvrier en bâtiment qui recouvre de peinture industrielle une surface donnée dans une perspective de productivité et celle de l’artiste qui, sur une toile conçue à cet effet, invente un monde virtuose, pinceau et palette à la main.

Cet ensemble inédit proposé à la Galerie Pauline Pavec déploie une rhétorique abstraite à la richesse formelle et sémantique indéniable où les toiles stratifiées qui se côtoient instaurent des propriétés relationnelles étonnantes qui ne manqueront pas d’inciter le regardeur à déceler ici et là les intelligentes variations et leurs évocations poétiques.

Roxane Ilias, 2019

 


 

Galerie Pauline Pavec is delighted to present 'Rendement', Hugo Capron's first solo exhibition in its Nord Marais space. Noted for his famous protocol developed in 2017, the principle of which consisted in emptying a pot of industrial paint onto a linen canvas whose surface area corresponded to the yield in square metres indicated on the pot's instructions for use, the artist here proposes an adaptation of this principle applied to a set of eight paintings of varying dimensions and specially designed for this exhibition.
A single 1-litre can of white paint covering 12 m2 was poured over this series of eight paintings, ranging in size from 40 cm to 2.40 m high and covering the required surface area of 12 m2. The artist's aim was to use all the paint available and apply it rigorously to the canvases, but the linen didn't do the trick, as its absorbent properties swallowed up the material and the pure white colour, instead of covering the whole, faded and was forgotten on the support. 

The series takes the form of propositional content that can only be activated through an operative gesture. Capron executes his art with purgatorial brushstrokes applied horizontally from top to bottom. The slightly acrid white strokes criss-cross the surface and compose a fragmentary writing of which each canvas is the singular repository; and on each one he redoes, recapitulates the artist's primary gesture. The exhaustion of possibilities is discovered at the end of a journey punctuated by increasingly empty canvases. One, in an eliminatory apotheosis, is strewn only with a few stodgy smudges lost on the brown, textured linen surface.
Returning to the fundamentals of painting by limiting his work to the creative triad of canvas, paint and brush, the artist simultaneously neutralises colour and reduces its vocabulary: each elementary, monochromatic brushstroke, whose density is amplified by this demand for the minimum, is necessarily applied to the canvas in a single layer with a single brush.

Capron has always questioned the limits of the artistic gesture, seeking to the extreme to exploit the possibilities of a painting, with his hands, his materials and his tools, in a derisory quest for the maximum and exhaustion, ironically recalled by the title of the series presented here: "Yield". Hugo Capron is talking about the efficient yield of the paint to be applied, but he is also talking about the productive yield of the artist-painter, with which our contemporary era has inevitably saddled the artistic gesture.
In his previous single-canvas protocols, the artist poured out the contents of the pot impulsively and quickly, and destroyed the canvas if he didn't think it was satisfactory. For this exhibition, the scale and scope of the protocol have modified his working method, as the number of canvases increases the scope for error and the opportunity to fail. The stumbling block of this new adaptive clause was the eight surfaces to be filled, which meant that the artist had to move from one format to another in a gradual and considered way, because if one of them had displeased him or not fitted in with the whole, he would have been obliged to destroy them all in order to maintain the requirement of the clause.

While tracing their furrows through the textured surfaces of the linen canvases, the sowing of paint, in a dialectic of singularity and cohesion, generates a reading that oscillates between the full and the empty, between the positive and the negative. Hugo Capron's brushstrokes fracture and dissolve the cohesion of the flatness of the painting, blurring the perceptual demarcation between background and form, especially as his canvases are no longer encircled by a border of paint as were his earlier works, but are produced in such a way that the brushstroke extends continuously beyond the edges of the painting. By seeking to make the pigment penetrate the canvas without recourse to any constructive or structuring principle, Hugo Capron composes by subtraction because, as he points out, "lack creates composition, it creates the painting through emptiness[1]". In this unstable dialectic, the artist sees the picture plane as an unstructured free field open to otherness, arbitrariness and the randomness of the brushstroke.

The splashes of paint across the canvas sketch out a landscape, evoking the luminous surface of a body of water, the wind rustling through the foliage or the muffled traces of evanescent snow, inviting the viewer to participate tactilely and performatively. The vibrant, neo-Impressionist brushstrokes and the sensation of light diffraction created by the white/brown contrast give the impression of an indexical pictorial conception in which reflections, shimmers, shadows and vibrations seem to come from our visual environment. Capron thus delivers an original articulation: the logical and systematic application of protocol results in the revelation of an informal, gestural and abstract landscape.
A master of ambiguity, Hugo Capron plays with classificatory categories. The artist summons up two ways of thinking about painting, happily confusing and confronting the two antagonistic images we generally have of the painter: that of the construction worker who covers a given surface with industrial paint in the interests of productivity, and that of the artist who, on a canvas designed for the purpose, invents a virtuoso world, brush and palette in hand.
This new collection at Galerie Pauline Pavec deploys an abstract rhetoric of undeniable formal and semantic richness, in which the stratified canvases that stand side by side establish astonishing relational properties that are bound to encourage the viewer to detect here and there the intelligent variations and their poetic evocations.

Roxane Ilias, 2019

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