ODORE
L'ART, L'ODEUR ET
LE SACRÉ
Commissariat Sandra Barré
Christelle Boulé - Sarkis - Marcel Duchamp et Mathieu Mercier - Romain Vicari - Julie C. Fortier - Quentin Derouet - Joseph Beuys - ORLAN - hermann nitsch - Hratch Arbach - Roman Moriceau - Boris Raux - Gwenn-Aël Lynn - Jana Sterbak - Claudia Vogel - Peter de Cupere - Antoine Renard - Sarah Trouche
Du 13 janvier au 20 février 2021

Photos Sarkis Torossian



Photos Sarkis Torossian
En 1919, Marcel Duchamp offrait à son ami et mécène Walter Arensberg, l’Air de Paris enfermé dans une ampoule. Par ce geste, par ce ready-made où ce que l’on inhale est déterminé et porté au rang d’art, l’artiste français, père de l’art contemporain, ouvre la voie à une sacralisation plastique de ce qui se respire et s’établit : l’effluve. En la choisissant comme médium, en lui per- mettant l’entrée au panthéon des matériaux explorés par le vingtième siècle, Duchamp met en lumière combien la valeur artistique de l’odeur est estimable. Immatériel précieux, elle révèle les émotions, ravive la mémoire et lie ce qui s’hume à la grande tradition du sacré.
Dans Odore, les œuvres présentées, toutes référant aux émanations, dessinent un voyage in- trospectif et interrogent la première attache qui a ramené les exhalaisons tout près des êtres humains, leur prédisant l’accessibilité à un autre monde. Les Grec.que.s et les Romain.e.s cou- vraient leurs statues d’onctions, laissant aux effluves le soin d’envoyer leurs prières au divin; les sorcières et les herboristes manipulaient les plantes en extrayant leurs essences ; les chamans chargeaient les fumées de la promesse d’une traversée mystique.
Les artistes contemporain.e.s, magicien.ne.s et alchimistes d’aujourd’hui, voient leur pratique et leur personne entrer en résonance avec la sacralisation des institutions culturelles. Le musée devenu lieu de pèlerinage sanctifie l’artiste, qui semble pouvoir y être accueilli en odeur de sainteté. Alors, le lien au sacré se fait par une forme de mystification de l’œuvre et de son.sa créateur.rice et certains travaux odorants aux allures autobiographiques, pourraient être observés comme de véritables reliques.
Cette notion de relique olfactive s’envisage également par des morceaux de chairs qui rappellent des instants vécus, qui poussent à éprouver et qui destinent à ressentir. Car l’odeur permet l’évocation, une évocation intime, viscérale, qu’il n’est pas nécessaire de verbaliser, mais que l’on porte en soi, que l’on chérit, comme on le ferait des croyances, des prières et des souvenirs olfactifs personnels qui tissent la grande histoire.
Sandra Barré