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La naissance de l’art coïncide, à l’Âge du renne, avec un tumulte de jeux et de fête, écrivait Georges Bataille dans Lascaux ou la Naissance de l’art en 1955. En ces journées de célébration du Patrimoine : faisons la fête. C’est-à-dire : jouons et transgressons. Laissons le jeu, et son lot de hasards, nous conduire – peut-être – sur les traces et les balbutiements de la création.

La règle est simple. Un jeu d’enfant. Chacun·e est invité·e à choisir un pétale ou une fleur, à s’en emparer et à l’écraser sur un mur. Colorer, écrire, dessiner : chacun·e est libre de ses gestes ; libre de participer ou non, car un jeu commandé n’est plus un jeu. Le jeu est superflu. Il ne répond à aucune nécessité impérieuse, aucun devoir moral. Il est gratuit, improductif et son issue est incertaine. En fin de partie, que nous donnera à voir cet immense graffiti ? De quelles couleurs apparaîtront les traces dans quelques heures ? Et quelle odeur se dégagera de la pièce ?

Tout jeu a ses règles et ses limites, dans le temps et l’espace. Ici ce sont les quatre murs d’une salle et les 48h des Journées Européennes du Patrimoine. C’est dans ce cadre défini que le jeu peut devenir transgression. Dans la joie et la désinvolture, il invite à outrepasser les règles ordinaires : entacher, saccager, profaner les cimaises immaculées du musée.

La transgression se situe également dans ce geste ambigu : écraser une fleur. Écraser des dizaines de fleurs à l’heure où nous peinons tant à préserver la vie végétale de notre action. Provocation. Pourtant, comment une œuvre pourrait-elle mieux répondre aux exigences de décroissance et d’éco-responsabilité ? Un bouquet de fleurs (locales et saisonnières), un vase et quatre murs. C’est tout. Éphémère et biodégradable, cette œuvre n’encombre le monde d’aucun objet supplémentaire et ne laisse après elle que le plaisir qu’elle a suscité. C’est cette jouissance bienveillante qu’appelle la proposition de Quentin Derouet, comme une ode aux expériences de l’enfance, aux utopies de Robert Filliou et aux manières d’être vivant de Baptiste Morizot.

Anna Millers,

Conservatrice au Musée d'Art Contemporain de Strasbourg, 2022

QUENTIN

DEROUET

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