BLUE PRINT: MATHILDE DENIZE

Overview
Because I paint I sculpt, no because I sculpt I paint, no, because I paint I sculpt, I can’t figure because I paint, I can figure because I sculpt, no I figure because I sculpt, I can’t figure with my paint, because I sculpt, I can figure because I’m paint, because I sculpt, no, because i’m paint.

De la vie ordinaire on pourrait oser s’aventurer à en extraire la mystique. Cela se présenterait comme un rituel en se tenant face aux objets de Mathilde Denize où aucune vérité n’est à chercher, on s’imaginerait alors endosser le rôle de l’archéologue pour sonder le présent et tenter d’y déceler les fragments, témoins d’une totalité insaisissable. Si elle puise dans le quotidien, il n’y a pourtant pas d’appropriation du réel mais une incarnation de la mémoire et des attentions au sensible dans la forme révélées par des assemblages et des réminiscences. 

Blue Print ou  impression en bleu - habituellement sur fond blanc - traduit une technique utilisée pour les plans d’architecture et dessins industriels reproduisant les normes de l’objet à examiner sous toutes ses coutures, pour en projeter sa représentation dans l’espace.  Aucun dessin, aucune norme à modeler pour Mathilde Denize mais des empreintes immatérielles, des pensées (bleues) dont la trajectoire échappe à toute fixité. Aussi même volatile, ce qui se laisse saisir in extremis de l’oubli trace une poétique des formes, et touche à une économie du geste que l’on perçoit comme le déploiement d’une attitude modeste. Le geste y suit une chorégraphie intuitive, qui oscille habilement entre la peinture et la sculpture pour s’immiscer exactement là, dans l’entre deux où nait l’objet. 

Si le rapport au médium s’intensifie dans cet interstice, il faut alors observer que la peinture ne recouvre pas la forme mais en construit la spatialité et investie le champ de représentation de l’objet dans l’espace d’exposition. La galerie Pauline Pavec devient dès lors le lieu de mise en scène de l’œuvre. Les assemblages en céramique émaillée manifestent les pensées qui prennent la forme énigmatique du rêve, et se chargent d’une dimension mémorielle. Tout semblant de grandiloquence écarté rapproche la part de l’intime, si bien que quelque chose de sacré subsiste dans ces ex-voto domestiques, entretenant un pacte spontané avec le regardeur. Là où en majesté, rehaussées, certaines sculptures aux allures organiques tranchent avec leur socle géométrique, agissant comme indice de la forme sacralisée. Chacune abrite une variation de la pensée, une transformation du fragment à travers le geste, la temporalité et les matériaux.  On finirait presque par parler de peinture sans toile pourtant Mathilde Denize a taillé des costumes en bas-reliefs dans ses propres rebus.  Les tentatives de figurer qui ont précédés sur le châssis se sont soldées par leur disparition, sans pour autant acter un geste définitif. Transmuées, les toiles découpées sculptent une présence du corps, de la figure, en creux par son absence.  Le décor que plante Mathilde Denize est celui d’une œuvre où peinture et sculpture s’enchevêtrent affectant volontiers leurs identités dans un mouvement constant. Chaque pièce répond d’une approche où elles se combinent l’une dans l’autre pour engendrer une interaction avec l’espace réel que l’on peut retrouver chez Ree Morton, l’une de ses inspirations à propos de laquelle Lucy Lippard distinguait un espace contrôlé, toujours dispersé mais non moins capturé entre le pictural et le sculptural.[1] 

Devant le monde qui passe, Mathilde Denize prélève des échantillons d’existence, modèle des impressions immédiates où l’abstraction de tout contexte préfigure un langage intuitif. En s’emparant de ce qui se situe a priori dans l’insignifiant, l’envers et le discret, par déplacements la forme se revêtis d’un caractère magique et effleure les pourtours du réel. Façonné par l’imaginaire, ce qui résiste dans les territoires de l’esprit rejoint le tangible et accède à une part de réel incertain, sinon fugitif, toujours emprunt de liberté. 

Fiona Vilmer

 [1] Essai de Lucy R. Lippard, intitulé Ree Morton : At the Still Point of The Turning World, publié en 1973 et réédité à l’occasion de la publication The Drawing Center's Drawing Papers Volume 87 consacrée à Ree Morton parue en 2009.

 


 

We could dare to extract mysticism from ordinary life. It would be like a ritual, standing in front of Mathilde Denize's objects where there is no truth to be sought, and imagining oneself taking on the role of an archaeologist probing the present and trying to detect fragments, witnesses of an elusive totality. Although she draws on the everyday, there is no appropriation of reality, but rather an embodiment of memory and attention to the sensitive in the form revealed by assemblages and reminiscences.
Blue Print - usually on a white background - is a technique used for architectural plans and
industrial drawings that reproduce the standards of the object to be examined from every angle, in order to project its representation into space. Mathilde Denize has no drawings, no standards to model, but rather immaterial imprints, (blue) thoughts whose trajectory escapes all fixity. Even if it is volatile, what can be grasped in extremis from oblivion traces a poetics of form, and touches on an economy of gesture that we perceive as the unfolding of a modest attitude. The gesture follows an intuitive choreography, oscillating skilfully between painting and sculpture, and interfering exactly there, in the in-between where the object is born. If the relationship with the medium is intensified in this interstice, it should be noted that the painting does not cover the form but constructs its spatiality and invests the field of representation of the object in the exhibition space. The Pauline Pavec gallery then becomes the place where the work is staged. The glazed ceramic assemblages reveal thoughts that take on the enigmatic form of dreams, and are charged with a memorial dimension. The removal of any semblance of grandiloquence brings the work closer to the intimate, so that something sacred remains in these domestic ex-votos, maintaining a spontaneous pact with the viewer. Some of the sculptures, with their organic allure, stand out majestically against their geometric base, acting as a clue to the sacred form. Each is a variation in thought, a transformation of the fragment through gesture,

temporality and materials. We could almost end up talking about painting without a canvas, yet Mathilde Denize has carved costumes in bas-reliefs from her own scraps. Previous attempts at figuring on the stretcher have ended in their disappearance, but this has not been a definitive gesture.
Transmuted, the cut-out canvases sculpt a presence of the body, of the figure, hollowed out by its absence. Mathilde Denize sets the scene for a body of work in which painting and sculpture become entangled, willingly affecting each other's identities in constant movement. Each piece responds to an approach in which they combine with each other to generate an interaction with real space that can be found in Ree Morton, one of her inspirations, about whom Lucy Lippard distinguished a controlled space, always dispersed but no less captured between the pictorial and the sculptural.[1].
Faced with the passing world, Mathilde Denize takes samples of existence, modelling immediate impressions in which the abstraction of any context prefigures an intuitive language. By taking hold of what is a priori insignificant, upside down and discreet, she gives form a magical quality, brushing up against the edges of reality. Shaped by the imaginary, what resists in the territories of the mind joins the tangible and accesses an uncertain, if not fleeting, part of reality, always full of freedom.

Fiona Vilmer

 

 

 

 

Installation Views
Works