TIENS, MAIS C'EST UN ALIMENT BLANC: ROBERT MALAVAL

Overview
Tiens mais c’est un aliment blanc.
 
Il s’agit du titre, semble-t-il, de la dernière œuvre de la série l’Aliment blanc de Robert Malaval. Mais c’est aussi ce que me dit une de mes médecins il y a quelques années. Vous avez souffert, madame, de l’aliment blanc. N’avez-vous jamais entendu parler de l’aliment blanc ? Si, bien sûr, je connaissais celui d’un artiste niçois bien célèbre, mais elle ne voyait vraiment pas. Ce Malaval est-il médecin ? L’aliment blanc, m’instruisait donc cette professionnelle très sérieuse, tandis que je me bidonnais en imaginant Malaval en blouse immaculée, stéthoscope à la main, est une bizarrerie plutôt connue des nutritionnistes et des pédiatres. Un jour, alors que rien ne le prédispose particulièrement à cette inclination, un enfant qui auparavant se réjouissait à l’idée de dévorer des purées vivement colorées de carottes ou d’épinards, se met subitement à ne se sustenter que de mets blancs. Ou quasi blancs : pain, beurre, fromage, lait, blanc de poulet, pâtes, et pour les plus téméraires pommes de terre à la chair pâle. Je découvrais, avec une joie non feinte, que j’avais traversé, avec plus ou moins bonheur, un autre Aliment blanc à l’enfance.
 
J’avais jusque-là d’abord perçu cette série de Malaval sous l’angle de la maladie dont les symptômes se voient : bubons explosifs, cicatrices texturées, excroissances écœurantes, quelque chose qui me rappelait les moulages en cire d’affections de la peau du Musée des Moulages de l’hôpital Saint-Louis. Mais cette discussion m’apprenait aussi autre chose : il y avait quelque chose de plus enfoui dans l’Aliment blanc. Pas seulement les cocons de vers à soie qui avaient tant fasciné Malaval lorsqu’il les élevait dans les Basses-Alpes au début de sa vie d’artiste, pas seulement non plus la vision horrifique d’asticots sur une charogne, qu’il revendiquait également. Peut-être, spéculons, quelque chose comme la nausée permanente, un haut-le-cœur indétectable en surface. Malaval lui-même écrivait : « Un jour, je me moucherais un peu plus fort qu’à l’ordinaire, et quelque chose passerait à travers mon nez. Quelque chose d’anormalement gros et mou. Un morceau de cerveau qui se sera arraché, une matière comme une muqueuse, un morceau de l’intérieur du nez lui-même. »[1] Ce ne sont pas les objets qui subissent leur recouvrement par l’Aliment blanc – comme on attrape par exemple la gale ou la teigne : ce sont eux-mêmes qui vomissent, et avec tellement d’opiniâtreté, ce qui leur est devenu insupportable.

 

Camille Paulhan

 

[1] Écouter « Malaval est une étincelle ! », Les passagers de la nuit, France culture, 13 janvier 2011.

 


 

Tiens, mais c’est un aliment blanc.
It seems to be the title of the latest work in Robert Malaval's l'Aliment blanc series. But it's also what one of my doctors told me a few years ago. Madam, you suffered from white food. Have you never heard of white food? Yes, of course, I had heard of it from a very famous artist in Nice, but she really didn't know. Is this Malaval a doctor? The white food," this very serious professional instructed me, while I giggled to myself as I imagined Malaval in an immaculate lab coat, stethoscope in hand, is an oddity more familiar to nutritionists and paediatricians. One day, when there was nothing particularly predisposing him to this inclination, a child who had previously been delighted by the idea of devouring brightly coloured carrot or spinach purées suddenly began to satiate himself with nothing but white food. Or almost white: bread, butter, cheese, milk, chicken breast, pasta and, for the more daring, pale potatoes. I was delighted to discover that I had, with varying degrees of happiness, passed through another white food in my childhood.

 

Until then, I'd seen Malaval's series from the angle of a disease whose symptoms are visible: explosive buboes, textured scars, disgusting excrescences, something that reminded me of the wax casts of skin diseases in the Musée des Moulages at Saint-Louis hospital. But this discussion also taught me something else: there was something more buried in the White Food. Not just the silkworm cocoons that had so fascinated Malaval when he reared them in the Basses-Alpes early in his life as an artist, nor just the horrific sight of maggots on carrion, which he also reclaimed. Perhaps, we speculate, something like permanent nausea, an undetectable gagging on the

surface. Malaval himself wrote: "One day, I'll blow my nose a little harder than usual, and something will pass through my nose. Something abnormally big and soft. A piece of brain that had been ripped out, something like a mucous membrane, a piece of the inside of the nose itself. 1] It's not the objects that are covered over by the White Food - like scabies or ringworm, for example: it's the objects themselves that are vomiting up, so obstinately, what has become unbearable for them.

 

Camille Paulhan

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