M/M: ROBERT MALAVAL — OLIVIER MOSSET

Overview

Réunir deux artistes anticonformistes dont la relecture acide du modernisme pictural a profondément marqué l’histoire de la peinture française depuis les années soixante : voici le défi que s’est lancé la galerie Pauline Pavec en invitant Olivier Mosset, partisan du monochrome et du ground zero, à répondre de manière inédite à la célèbre série de toiles à paillettes de Robert Malaval, trublion marginal et maudit disparu prématurément en 1980.

 

L’exposition met en lumière deux peintures historiques de Malaval recouvertes de matières scintillantes aux reflets métalliques. L’une, de tendance hard-edge, est construite autour d’une diagonale délimitant des plans bicolores maculés de griffures sombres, tandis que l’autre, sur fond lyrique et ténébreux, déploie une frise horizontale ponctuée d’une série de croix dont la négation n’est pas sans évoquer le nihilisme des fameux cercles de Mosset. Face à cette profusion antithétique de styles et d’effets, ce dernier a spécialement conçu pour cette exposition deux œuvres à l’impeccable minimalisme. Dépourvus de toute facture, composition, motif ou aplat, ses objets bidimensionnels – ersatz du tableau – ont été confectionnés à l’aide d’un arsenal « pictural » pour le moins atypique : de la même manière que pour réaliser ses toiles, Malaval avait eu recours à des moyens anti-artistiques (balais, ventilateur, aspirateur, paillettes chinées au bazar), Mosset lui emboîte le pas en empruntant une technique bien connue des motards, dont il adhère très tôt à l’esprit libertaire, celle de la « peinture caméléon » sur carrosserie automobile utilisée pour le tuning.

 

Les pigments métalliques ainsi vaporisés sur les panneaux d’aluminium créent des effets d’iridescence où se reflète une myriade de couleurs fugitives et perpétuellement mouvantes. Clin d’œil à la capacité métamorphique de Malaval qui n’aura eu de cesse de transgresser l’orthodoxie du monde de l’art en changeant continuellement de styles et de médiums, cette fluidité chromatique rend également hommage à l’exposition Multicolor Caméléon de 1973, qui avait signé le grand retour de Malaval à la peinture après plusieurs années d’interruption tout en dévoilant sa première toile à paillettes. Présentés côte à côte, ces deux ensembles glam rock hypnotisent notre regard par leurs surfaces étincelantes où s’exhibent sans pudeur un dessein faussement frivole. « Les paillettes, c’est le make up de la peinture » proclamait Malaval, mettant ainsi directement en cause l’artificialité et la facticité de sa pratique. Procédant d’un même tropisme critique, les œuvres de Mosset présentées dans l’exposition offrent une caricature acerbe de la peinture et de ses valeurs, ici allègrement subverties.

 

Comme un boomerang, prenant le contre-pied des monochromes autoréférentiels généralement conçus par l’artiste, les surfaces miroitantes d’Olivier Mosset introduisent hic et nunc un nouvel élément : le reflet du regardeur. Ainsi surgit la bombe à retardement. En plaçant le public au cœur de son dispositif visuel, Mosset rejoue dans un troublant reenactment la dernière exposition-performance de Malaval organisée à la Maison des arts de Créteil au printemps 1980. Sous le regard scandalisé d’une foule humiliante et cruelle, Malaval avait improvisé, ivre et abasourdi par les riffs de rock, quarante peintures en live avant de les accrocher aux murs en losange, comme si celles-ci, complètement grisées, avaient fini par chavirer. Un mois plus tard, il mettait fin à ses jours. En miroir, les peintures d’Olivier Mosset, disposées elles aussi en losange sur les cimaises de la galerie, ressuscitent cet ultime opus et commémorent un artiste autodidacte sans concession qui aura su faire de l’art un exutoire critique et cathartique, semant le vent d’une insoumise liberté chez toute une nouvelle génération.

Roxane Ilias, octobre 2022

 

 
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